Illmatic, le premier album immortel de Nas

Pour célébrer les 50 ans du hip-hop, on revient sur les albums de rap légendaires qui ont forgé son histoire. Aujourd’hui : Illmatic de Nas.

Nas a beau être ultra-productif ces dernières années et nous sortir systématiquement des masterclass depuis l’opus King’s Disease premier du nom, demandez à n’importe quel fan du rappeur du Queensbridge, et il y a de fortes chances pour qu’il vous dise que son album préféré soit Illmatic. Certains n’ont d’ailleurs pas peur d’affirmer qu’il s’agit là du meilleur album de rap de tous les temps (la place se disputant souvent avec 2001, le classique de Dr. Dre).

Sorti le 19 avril 1994, soit il y a bientôt 30 ans, Illmatic est incontestablement l’un des albums les plus importants de toute l’Histoire du hip-hop. Les mots sont forts, mais il faut comprendre que sans lui, le rap tel qu’il a été et tel qu’on le connaît aujourd’hui ne serait pas le même. A cette époque, Nasir Jones n’a que 20 ans, mais s’apprête à changer profondément et à tout jamais le rap et la culture hip-hop.

Un « game changer » à sa sortie

S’il ne brille pas par ses chiffres de vente à sa sortie (seulement 63 000 exemplaires en première semaine), les critiques quant à elles sont unanimes. En effet, tout le monde peine à croire qu’un artiste si jeune est parvenu à sortir une si belle pièce musicale autant sur le fond que sur la forme. Avec une maturité déconcertante, il raconte son histoire et dépeint une sorte de fresque sociale et culturelle du Queensbridge et de New-York. Cela avec la même justesse qu’un peintre de la renaissance italienne.

Évidemment, la musicalité sert le propos et se veut complètement au service de ses paroles. C’est pour cette raison que Nas s’est entouré des producteurs new-yorkais stars du moment pour habiller son œuvre : DJ Premier, Pete Rock, Large Professor, Q-Tip d’A Tribe Called Quest et L.E.S sur un même disque. Ça ne pouvait que donner une merveille. Après tout, qui d’autres que des locaux pouvaient au mieux retranscrire leur quotidien désabusé dans les ghettos de la Grosse Pomme ? Pour sûr qu’écouter Illmatic en fermant les yeux, c’est instantanément embarquer pour un voyage vers le passé dans les rues de New-York des années 90, celles qui ont tant de fois fait rêver les fans de hip-hop.

Mais cet album n’est pas seulement parvenu à honorer New-York et définir tous les codes du rap de l’époque, il a également réussi à remettre le rap de la ville au sommet, à une époque où le gangsta rap et la G-Funk venue de Los Angeles et de la côte ouest des Etats-Unis prenaient de plus en plus d’ampleur. Et oui, n’oubliez pas qu’à cette époque, nous sommes dans les premières années du conflit et des rivalités historiques qui opposeront east coast et west coast !

Illmatic de Nas et la postérité

Vendu aujourd’hui à plus de deux millions d’exemplaires, Illmatic se compose seulement de neuf titres et une intro. Selon les standards de l’époque, c’est peu, mais on ne parle là que de classiques, sans aucune bavure. En effet, le premier album de Nas a tellement marqué l’histoire que presque trente ans après sa sortie, on estime selon le site WhoSampled, que chacun des titres de l’opus a été samplé plus d’une trentaine de fois chacun et ce dans le monde entier, en France y compris d’ailleurs. N’est-ce pas cela la marque des plus grands ?

Quand bien même l’album est certifié uniquement deux fois platine et ce depuis le 28 janvier 2019, aujourd’hui, il figure systématiquement dans tous les classements des meilleurs projets rap de tous les temps. Signe supplémentaire que la postérité l’a finalement consacré après des débuts difficiles, il figure depuis le 25 mars 2021 au Panthéon des œuvres américaines, à savoir à la bibliothèque du Congrès américain. L’album est même tellement toujours au cœur des débats que Nas lui-même a déclaré en octobre 2019 qu’il en avait ras-le bol qu’on lui parle encore et toujours d’Illmatic.

On peut résolument le comprendre, et même s’il paraît impossible que cet opus disparaisse des discussions dans le futur, tant il aura marqué l’Histoire du rap et de la culture hip-hop, on ne peut que vous conseiller d’aller jeter une oreille attentive et passionnée à ses derniers projets King Disease 1, 2 et 3 ainsi qu’à ses albums Magic 1 et 2. Le point commun entre ces différents opus ? Ils ont tous été réalisé en collaboration avec le producteur Hit Boy. Avec ces projets, Nas prouve une bonne fois pour toute, s’il en était besoin, qu’il est la définition même de l’expression « bien vieillir dans le rap ».