KOD : quand J. Cole manifestait contre la drogue et les addictions
Chaque semaine, on vous propose de (re)découvrez l’une des nombreuses pépites du Dose Store. Aujourd’hui, J. Cole et son album KOD.
Ces derniers jours, le rap américain vit une effervescence qu’il n’avait pas connue depuis longtemps. Depuis que Kendrick Lamar s’est autoproclamé seul membre du « Big Three » du rap US, au nez et à la barbe de Drake et J. Cole, le game outre-Atlantique est entrée dans une véritable Civil War. Evidemment, les deux ne se sont pas laissé faire et ont à tour de rôle dégainé leurs rimes pour récupérer la place au sommet qui leur revient de droit. Pour autant, si Drake a joué le jeu à fond en endossant le rôle de Thanos, lui qui a attaqué non seulement Kendrick, mais aussi frontalement tous les plus grands noms du rap game, J. Cole a plutît préféré jouer la carte de l’apaisement en s’excusant après avoir répondu à Kendrick Lamar dans son morceau « 7 Minute Drill ».
Seulement voilà, à une époque où les rivalités dans le rap se règlent plutôt soit sur les réseaux sociaux, soit dans le sang avec des armes à feu, le public voyait plutôt d’un bon oeil le retour des règlements de comptes à l’ancienne par morceaux interposéx. Cela étant, il a très vite fait de se retourner contre J. Cole, le traitant de faible, de lâche pour avoir refusé ouvertement la confrontation avec ses homologues « pour la culture ». A ceux qui prennent plaisir à dénigrer le dénommé Jermaine Lamarr Cole, il ne faudrait pas oublier qu’il figure incontestablement parmi les meilleurs MC de sa génération. S’il a d’ailleurs été nommé meilleur rappeur de l’année 2023 par le magazine Complex, sans même avoir sorti un seul projet musical cette année-là, ce n’est pas pour rien.
Histoire néanmoins de vous faire une petite piqûre de rappel de la place qu’à J. Cole dans le rap jeu US, il est temps pour nous de le réhabiliter lui, « l’Esprit » face au Coeur et à l’Âme qu’incarnent ses rivaux Drake et Kendrick Lamar. En attendant son prochain album The Fall Off, revenons sur l’une des pièces maîtresses de sa discographie, KOD, sorti en 2018. Le terme piqûre n’a bien évidemment pas été choisi au hasard puisque cet album est bien plus qu’un projet rap, c’est un brillant manifeste anti-drogues et autres addictions.
J. Cole envers et contre les addictions
Remettons-nous dans le contexte de l’époque : en 2018, le rap game US est gangréné par le fléau mortel des drogues dures. A ce moment-là, c’est toute une génération de jeunes artistes qui fait l’apologie et glorifie sans commune mesure la banalisation de ces produits illicites. Sans vouloir jouer les Monsieur Mackey en vous rappelant que « la drogue, c’est mal, m’voyez », il y a six ans, on parlait bien d’une tendance mortelle puisque de nombreux jeunes talents du rap sont décédés des suites d’overdose.
Soucieux de ce phénomène dramatique, J. Cole a donc fait le choix avec son album KOD de s’inscrire dans cette tendance, non pas pour la glorifier, mais bien la combattre. La symbolique est d’autant plus forte qu’il avait choisi de sortir son album un 20 avril, jour dédié à la weed aux États-Unis.
Je vous entends me dire « Non, mais attends, c’est n’importe quoi ! On voit bien sur la pochette psychédélique du projet que J. Cole joue lui aussi le jeu des drogues dures en posant comme un roi en bad trip sous l’effet de substances illégales. On voit même un groupe de gosses qui expérimentent à ses côtés toutes les drogues les plus violentes. Weed, lean, LSD, cocaïne… C’est paradoxal non ? » Oui tout à fait, sauf que dans les faits, la pochette, bien que provocatrice, est davantage faite pour poser un contexte et dénoncer une réalité qui fait froid dans le dos. Après tout, il le dit lui-même d’entrée de jeu “En aucun cas cet album a pour but de glorifier l’addiction.”
La preuve étant la signification des trois lettres qui titrent l’album. Pour Cole, KOD signifie à la fois en effet “Kids on Drugs”, “King Overdosed” et “Kill Our Demons”. Autrement dit, trois sens différents qui illustrent les trois étapes entre la première prise de drogue et la rémission. Mais ne vous y trompez pas, si le rappeur de Caroline du Nord signe avec ce disque un guide de lutte contre les addictions, il parle d’elles au sens large, qu’il s’agisse des stupéfiants, du sexe ou des réseaux sociaux.
N’allez pas croire non plus qu’en jouant les chevaliers blancs contre les addictions, J. Cole se contente de faire des leçons de morale de boomers. Non, s’il en parle aussi bien, c’est justement parce qu’il y a lui-même été confronté durement, en témoigne son alter ego toxico Edawrd qu’il met en scène à plusieurs reprises durant cet album. Et c’est justement parce qu’il a réussi à s’en sortir que ses mots ont du poids. Dans un morceau comme « Once an Addict” par exemple, J. Cole raconte l’histoire de sa jeunesse alors qu’il a été élevé par une mère alcoolique.
Toujours dans une volonté de dénoncer les ravages de la drogue à grande échelle, il raconte dans “Kevin Hart” comment les stupéfiants peuvent mener un individu à tromper son ou sa partenaire. Vous capterez tout de suite la référence à l’acteur américain de Scary Movie et Jumanjiqui avait admis avoir trompé sa femme enceinte. Signe que ce dernier a compris et admis ses erreurs, il fait même une apparition dans le clip du morceau éponyme.
Rassurez-vous cependant, Cole sur KOD ne se contente pas de dresser uniquement des constats. Il offre également à son auditoire des clefs de motivations pour se sortir de la spirale infernale des addictions. Dans des titres comme “Motiv8”, “ATM” et “Window Pain”, il rappelle que des choses simples comme l’amour des siens, du travail bien fait ainsi que la volonté de subvenir aux besoins de ceux que l’on aime peut nous aider à tout surmonter, y compris les drogues les plus puissantes.
Déjà rodé dans l’art du clash, J. Cole profitait également du morceau clôture de cet album, « 1985 », pour justement recadrer toute cette jeune génération d’artistes inconscients du danger qu’impliquait de banaliser ces substances. Sa prise de position virulente n’avait d’ailleurs pas manqué d’en faire réagir certains, dont Smokepurpp et Lil Pump qui l’avait clashé à leur tour. Heureusement, les choses se sont bien terminées puisque l’animosité entre Lil Pump et J. Cole s’est finalement transformé en un échange édifiant entre les deux artistes. Tout est bien qui finit bien donc, même si les drogues n’ont malheureusement pas fini de faire des ravages dans le rap game…