Aux origines de la trap, cette branche du rap venue d’Atlanta

À l’occasion des cinquante ans du hip-hop, on revient sur les grands courants musicaux qui ont fait son histoire. Aujourd’hui : la trap.

Le hip-hop a beau avoir eu cinquante ans en août 2023, si vous écoutiez déjà du rap dans les années 2010, vous connaissez forcément la trap. Ce genre musical tout droit venu d’Atlanta a non seulement mis la ville du sud des États-Unis sur la carte, mais elle s’est en plus carrément payée le luxe de bouleverser la suprématie de New-York et Los Angeles sur la carte du rap américain.

Pour trouver la réponse, intéressons-nous aux différents critères qui forgent l’identité de cette branche incontournable du rap. Aux origines, l’appellation « trap » n’a rien à voir avec la musique et servait avant tout à désigner les lieux où se pratiquaient les trafics de drogue. Ce n’est que lorsque les rappeurs du sud ont commencé à aborder ce thème dans leur musique que la trap est devenue un style de rap à part entière.

Qu’est-ce que la trap ?

Au-delà de la musique, les premiers trappeurs ne se contentent pas de rapper leur quotidien de hustlers bicraveurs dans les ghettos sur des vibes destinées aux clubs. Ils revendiquent dans le même temps un véritable style de vie bien précis. A l’instar du mouvement Thug Life initié par Tupac, la trap parle sans équivoque de gangstérisme, fait l’apologie de la street life, des armes, de la vente de drogue et du proxénétisme. En d’autres termes quoiqu’un peu vulgarisateur, le trap way of life, c’est un peu le gangsta rap de Los Angeles.

Musicalement, la trap a également su trouver ses propres codes rapidement, le tout en explorant des sonorités encore jamais vues dans le rap : des beats entre 120 et 160 bpm, des productions saturées faites de grosses caisses bruyantes, de charleston, de cymbales dynamiques et de samples de basse 808. Tous ces ingrédients mis ensemble ont donné naissance à une formule immédiatement reconnaissable qui s’est imposée comme la tendance principale des années 2010.

Qui a fondé la trap ?

Une fois qu’on sait ça, deux questions se posent alors : « Quand est véritablement née la trap et qui en est le tout premier fondateur ? ». Pour trouver réponse à ses interrogations, il est nécessaire de revenir en arrière. Et les historiens de la musique sont formels : les premiers rappeurs à avoir mis en avant le mode de vie des gangsters from the South en leur donnant une touche club propre à la trap n’est autre que le duo composé par Bun B et Pimp C, UGK.

En effet, même si le genre Trap Music n’était pas encore officiellement nommé comme tel, on s’aperçoit que le premier album du groupe originaire de Port-Arthur au Texas, Too Hard to Swallow, sorti en 1992, utilisait déjà ces codes. Deux ans plus tard, en 1994, c’est un autre duo, de Memphis cette fois, 8Ball and MJG, qui ajoutera sa pierre à ce nouvel édifice naissant du rap, avec son album On the Outside Looking In.

Pour autant, ceux qui ont réellement participé à la popularisation du genre sont incontestablement les trois rappeurs d’Atlanta, T.I., Young Jeezy et Gucci Mane. D’ailleurs, ces trois MC se sont pendant longtemps disputé le titre de fondateurs de la trap, au travers des échanges et quelques débats houleux, avec T.I. en tête.

La première fois que le King a affirmé avoir inventé le style, c’était en 2012, lors d’une interview avec Funkmaster Flex. Sa plaidoirie se résume en un seul argument : avant lui et son album justement intitulé Trap Musik, personne n’avait nommé le genre.

“Avant que je n’arrive dans le game, il y avait seulement Lil Jon, OutKast, Goodie Mob, d’accord ? Il y avait donc la Crunk Music (style dont Lil Jon est le pionnier) et Organized Noize (les producteurs de la Dungeon Family). La trap music n’existait pas, j’ai créé ça, j’ai inventé le terme, check sur Google, c’est la vérité. C’était même le titre de mon deuxième album sorti en 2003. C’est après que ce tout nouveau genre de musique est arrivé. C’est moi qui ai ouvert la porte.”

Des propos qu’il a renouvelés en 2019 au micro d’Angie Martinez, l’émission The Breakfast Club sur la radio new-yorkaise Power 105.1 : “Beaucoup de gens ne savent pas que j’ai créé la trap. Honnêtement, je ne pensais pas être devenu si vieux. Avant moi, la trap ça n’existait pas. Il y avait OutKast et la crunk, les Organized Noize et la crunk. Avant ça, il n’y avait rien d’autre.”

Autre point de vue révisionniste : celui de Gucci Mane. Selon lui et un post Instagram daté de novembre 2020, c’est en mai 2005 que le genre est né, à la sortie de son album Trap House. Des propos qui bien évidemment n’ont pas été au goût de T.I. qui a réaffirmé très vite et de manière très virulente que personne d’autre que lui ne peut prétendre au titre de père-fondateur de la trap :

“Ok, je me répète une fois encore pour ceux qui sont durs de la feuille : le 19 août 2003, c’est la naissance de la musique trap. Seuls les fous viendront contester ce fait avéré. Fermez-la, à tous vous prendre pour des Christophe Colomb… Regarde ce que j’ai découvert, même s’ils pensent qu’ils étaient là avant. Bande de mythos.”

Bon, que vous soyez partisan de l’un ou l’autre, l’Histoire a montré que si T.I. est le premier à avoir nommé le genre sous son nom d’usage, il ne pouvait résolument pas être considéré comme le premier créateur du genre musicalement parlant. Ce privilège revenant donc à UGK.

Néanmoins, personne ne peut nier qu’avec Young Jeezy et Gucci Mane, ils ont tous les trois participé à la popularisation du genre, jusqu’à le faire devenir la grande tendance du rap des années 2010. Un genre que des artistes comme Migos, Travis Scott, Young Thug ou encore Playboi Carti ont finalement mis sur le toit du monde. Cela jusqu’à l’avènement de la drill, mais ça, c’est une toute autre histoire…