Le grillz, sourire d’enfer du rap français

Comment un rappeur peut-il montrer qu’il a du cash, qu’il a réussi ? Il peut arborer sa plus belle montre, ses plus belles sapes, des govas de luxe dans ses clips. Mais il peut aussi montrer à son public son plus beau sourire, serti d’un grillz onéreux.

Certains s’en sont fait une spécialité. On pense surtout aux rappeurs US qui n’ont pas pour habitude de la jouer discret, comme 6ix9ine par exemple.  Il faut que ça brille, il faut que ça soit cher, et surtout il faut que ça se démarque. Mais les rappeurs français eux aussi ne se gênent pas pour s’approprier le bijou. On pense notamment à Laylow et Gazo qui l’ont tous les deux arboré en cover de leur album.

Si on vous parle de grillz le premier qui vous vient en tête, c’est quel rappeur ? Nous en on pense à Laylow. Il a clairement l’habitude d’en porter, mais surtout, il l’a intégré à la direction artistique de l’album Trinity. La pochette, dans les teintes vertes, sombre et flou, met en avant un grillz très particulier, car pourvu de chaîne qui limite les mouvements de la mâchoire pour celui qui le porte. Et Laylow le porte, sur sa cover, mais aussi dans le clip de Megatron. Ce même clip, dans lequel il finit par être dépourvu de ses yeux. Ce grillz, c’est le symbole de la déshumanisation de Laylow, celle qu’il développe tout au long de l’album. Ses yeux – reflet de l’âme – disparaissent. Le grillz à chaîne souligne l’aspect monstrueux, de par sa fonctionnalité proche de la muselière.

Laylow, roi du grillz

Le grillz de Laylow dépasse très largement l’aspect purement esthétique. Il ne le porte pas uniquement pour montrer une quelconque réussite, le storytelling va bien au-delà. En revanche sur 6ix9ine, n’allez pas chercher aussi loin. Le rappeur a choisi un autre chemin. Celui de l’entertainment. Il veut faire du bruit, du buzz, être vu et reconnu. Pour ça, il a développé un personnage taillé pour faire parler, un personnage haut en couleur. Les couleurs justement, parlons-en. La sobriété, très peu pour lui. Il faut de la couleur, toujours plus de couleur. 6ix9ine c’est un paon. Son image éclate, se répand, presque plus que sa musique. Ses outfits son ultra colorées. Il choisit aussi de rider dans des voitures aux couleurs toujours plus flash, plus voyantes. Alors il fallait que ça se ressente aussi dans son grillz. Vert, jaune, rouge, violet… il y a autant de couleur que de dents. Une direction qu’il semble aussi avoir adoptée pour ses cheveux. Dans ce grillz, se synthétise la globalité de son personnage : bruyant, gênant, d’un goût douteux, mais mémorable.

Qui d’autre porte le grillz à merveille ? Un des rois de la Drill FR bien sûr : Gazo. Ici, on a encore une approche différente. On en parlait en intro, le bijou est cher et atteste d’une certaine aisance financière. Gazo revient de loin, il l’explique à celui qui veut bien l’entendre en interview, ainsi que dans Drill FR #1 : “Gazo vient d’là où le ien-cli prend sa cons’ et cache”. Alors maintenant qu’il a percé, il choisit d’affirmer son nouveau statut social grâce à un grillz serti de diamant, sur la cover de son projet Drill FR. La cover est réalisé par Fifou, le photographe aussi à l’origine de cover pour Kalash Criminel, Dinos, Soolking, PNL et bien d’autres. Pour celle-ci, il a choisi en plus de capturer le sourire de Gazo, d’y faire figurer un testeur de diamant, attestant de la validité des diamants. Gazo ne porte pas/plus du faux, mais bien des vrais diamants, il a réussi.

Caba sur le Grillz

La réussite est au cœur des textes de beaucoup de rappeurs, et les grillz sont souvent là pour l’attester. Dans “Pharaon Blanc”, Caballero lance : “Avant j’avais pas d’grillz ni d’chaîne”. Et Alpha adhère à l’utilisation du terme avec sa punchline : “À Los Angeles dans les hills, plancher rayé par mes grillz”. Il a réussi, son grillz l’atteste, mais il ne compte pas s’arrêter là. En effet, avoir les dents qui rayent le parquet, c’est une expression qui a pour but d’imager l’ambition. Alors si ses dents rayent le parquet même en ayant déjà la prothèse dentaire en sa possession, ça montre que le rappeur va continuer son ascension. 

“Balancer des dingueries, ma le-gueu sans grillz” lâche Népal au début de sa track “444 Nuits”. Avec cette punchline, il souligne qu’obtenir une grillz, et donc par extension réussir,  ça implique de “dire des dingueries”, faire une musique qui ne lui correspond pas forcément. Lui de son côté à carrément choisi de ne pas montrer sa tête. Il prend le contrepied de beaucoup de rappeurs qui cherchent à prouver au monde entier qu’ils disposent d’une grosse somme de cash. Et PLK va jusqu’à rappeler qu’un grillz ne fait pas forcément de toi quelqu’un de vrai.  Dans son titre Billet d’20, il raconte : “Les tits-pe d’mon tieks peuvent t’arracher les dents pour ton grillz, viens pas chez nous faire tes clips”. Alors la réussite oui, mais il ne faut pas s’oublier dans le matériel, ou les faux-semblants. Restons concentrés.