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Culture Punch

Les rappeurs calent leur faim avec un kebab

Il est tard la nuit, t’as bédave, t’as pillave à fond. Là t’as qu’une envie c’est de graille. Il faut remplir ce ventre qui ne réclame que ça. Il faut éponger l’alcool, calmer la foncedalle. Alors mon reuf, quoi de mieux qu’un kebab ? Ici c’est salade-tomate-oignon, mayo andalouse. Mais vas-y tu mets ce que tu veux on juge pas. Et le Tropico pour arroser le tout, ça va bien, c’est nickel. Le kebab ça cale, c’est pas cher, et en plus t’en trouves à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit.

Alors le sandwich est devenu un symbole, celui de la rue, au même titre que les TN par exemple, il indissociable de la galère. C’est pour ça qu’on en entend souvent parler dans le rap game. Ha oui avant ça, tu l’appelles comment toi ? Grec ou kebab ? C’est pareil, on va pas se mentir, chez nous il y a pas de différence.

Le kebab roi de la hess

« J’représente la banlieue comme un grec-frites » raconte Booba dans son titre « Duc de Boulogne ». C’est parlant un grec frite puisque tellement commun à la banlieue, à la rue. Il est absolument partout. Même si aujourd’hui il y a une grosse hype autour du tacos, il faut pas oublier que la punchline de Booba date de 2006. 

Quand un rappeur cherche à se faire comprendre il va utiliser une référence commune à tous. On le sait, un kebab ça coûte pas reuch, t’en as pour 7 ou 8 balles avec les frites et la boisson. Donc si comme Hugo TSR, t’as pas de quoi t’en payer un, c’est que t’es vraiment dedans mon pote. La preuve : « Il est 21 heures, j’rentre chez moi, j’ai pas d’sous pour le grec, mais avec un bout d’steak, un paquet d’pâtes, j’te fais un tour de maître » Le grec est donc un marqueur social, qui nous aide à comprendre où se situe socialement celui qui s’en sert dans son texte. 

Le grec et l’ascension sociale

On l’a dit, le grec c’est le symbole de la hess. Alors certains comme SCH, s’en souviennent pour illustrer leur changement de statut : « J’suis passé du grec au Rossini, prolétaire devenu aisé ». Un Rossini pour info, c’est une pièce de beuf, apposé sur une tranche de pain, surmonté d’une tranche de fois gras, arrosé de sauce madère. Ouai on est loin du grec gras dégueu à sauce commandée en gros chez Metro, hein. 

Pareil pour Bigflo. Lui se sert du kebab comme d’une madeleine de Proust de la galère. « J’avais rien dans les poches et que dalle toute la journée, merci à tous les potes pour les kebabs que j’ai pas remboursés. »  Il parle au passé, se rappelle d’un truc qu’on a (presque) tous vécu, mais qu’il ne risque plus de vivre désormais. En plus il assume une erreur relou que beaucoup trop de gratteur font volontairement. On espère que les potes en question sont venus lui réclamer leur dû depuis cette phase.

OrelSan a bien percé lui aussi. Dans son titre « Quand est-ce que ça s’arrête » il explique : « Fini d’taffer comme un connard et pas pouvoir s’payer un grec », pour parler d’une vie de galérien. Et même s’il explique juste avant que «J’croyais qu’en étant connu, ça résoudrait tous mes problèmes», on comprend que la hess est loin derrière le rappeur. Ses problème ne sont juste plus les mêmes.

Le summum du succès ? Ce n’est pas de mettre en opposition un grec un plat qui coûte cher comme SCH l’a fait, mais plutôt d’acheter la boutique carrément ! Dinos s’est promis de le faire : «si j’fais disque d’or, j’rachète le grec de ma tess’» et on adore l’idée. Depuis, il en a fait plusieurs des certif’, avec Imany, Stamina, Taciturne… alors Dinos ? Quand est-ce que tu nous invites à manger un grec chez toi ?

Le Kebab, symbole de valeurs

Mais en tant que symbole, c’est une manière d’affirmer ses valeurs. D’affirmer le fait qu’on a gardé les pieds sur terre. Par exemple, quand Nekfeu lâche en 2018 : « J’ai que deux balles man, c’est pour mon kebab, y’a rien à graille chez moi car j’taffe tous les soirs l’album », c’est pour montrer qu’il n’y a que la musique qui compte dans un premier temps, mais ça montre aussi bien qu’il n’a pas changé, c’est toujours le même, même après le succès de Feu et de Cyborg

Pareil pour la Fouine. En 2011, le rappeur a déjà connu le succès. Alors quand il dit que : « Dans le tier-quar où je vis, reculer n’est pas dans les principes moi j’suis fidèle au grec frite hey » on comprend que l’argent n’a pas travesti ses valeurs. En plus il associe directement le mot kebab à un système de valeurs comme si c’était le nom d’une doctrine. La doctrine du Kebab. Bon on s’égare là, on va pas commencer à philosopher sur le grec quand-même ?

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