Pourquoi l’album All Eyez On Me de 2Pac est un classique
Pour célébrer les 50 ans du hip-hop, on revient sur les albums de rap légendaires qui ont forgé son histoire. Aujourd’hui : All Eyez on Me de Tupac.
Certaines mauvaises langues diront que Tupac a forgé son mythe uniquement après sa mort, qu’il ne serait jamais devenu aussi iconique sans son tragique assassinat survenu le 13 septembre 1996. On ne peut nier que la mort fascine, que celle-ci confrère généralement aux artistes disparus un statut de légende immortelle.XXXTentacion, NipseyHussle, Mac Miller, Pop Smoke et JuiceWorld en sont des preuves récentes. Sans manquer de respect à la mémoire et à l’héritage de ces rappeurs partis trop tôt, il est évident qu’aucun d’eux ne peut prétendre jouir d’une aura aussi forte que celle de TupacShakur. Si aucune personne normalement constituée ne peut objectivement remettre en cause sa place parmi les plus grands, c’est avant tout grâce à l’impact de son album AllEyez On Me.
Dévoilé le 13 février 1996 sous la houlette du label de SugeKnightDeathRow Records, AllEyez onMe est le quatrième album studio du rappeur californien. Sorti après ses projets 2PacalypseNow(1991), Strictly 4 My N.I.G.G.A.Z.(1993) et Me AgainsttheWorld(1995), cet opus est celui qui revient sur toutes les lèvres quand on parle du plus grand classique de 2Pac. Et même si en tant que tout ou presque a déjà été dis dessus, voici cinq raisons pour lesquelles AllEyez on Me figure incontestablement parmi les albums de rap les plus marquants de tous les temps.
C’est un double album
Posons les bails d’entrée de jeu.AllEyez on me deTupac est le tout premier double album de l’histoire du rap. De nos jours, à une époque où la loi du streaming régit l’industrie musicale, il n’est pas rare de voir débarquer des doubles albums ou des rééditions en pagaille. Quoi de plus normal quand on sait que densifier la tracklist de son projet garantit aux artistes davantage de rotations sur les plateformes de streaming, boostant ainsi les revenus générés. Si cette stratégie économique semble évidente à notre époque, en 1996, la question ne se posait même pas. En effet, si AllEyez on Me propose 27 morceaux étalés sur 2 heures et 12 minutes et ce sans aucun interlude, c’est simplement parce que 2Pac avait des choses à dire. Tant mieux finalement puisqu’à l’époque, quand il parlait, le monde entier l’écoutait, y compris ses ennemis.
Ce disque critallise la guerre East Coast / West Coast
Quand AllEyez on Me débarque dans les bacs, Tupac sort de prison. Parallèlement, Biggie cartonne toujours dans les clubs avec son album Ready to Die sorti deux ans plus tôt. Ainsi, pour son retour musical, le rappeur aura deux objectifs simultanés : célébrer sa liberté retrouvée bien sûr, mais aussi et surtout récupérer le trône du rap game en s’attaquant frontalement à ses rivaux de la côte est. Exit donc le côté prêcheur et engagé dans de nombreuses problématiques politiques et sociales, Tupac est bien décidé à montrer les dents. En bon thug revanchard et impitoyable, il ne va pas hésiter à se montrer encore plus sulfureux que d’habitude.
En effet, dire que Pac est énervé sur cet album serait un doux euphémisme. On ne va pas citer toutes les rimes violentes de l’album au risque de se faire censurer choquer les âmes sensibles, mais il suffit d’écouter le classique et sanglant « Can’t C Me », en collaboration avec Georges Clinton et produit par Dr. Dre, pour s’apercevoir que Tupac en a gros sur la patate.« I dedicatethis to you punk motherfuckers!Thisone’s for you, BIG baby », rappe-t-il par exemple avec une arrogance insolente. Pas besoin de savoir parler anglais pour comprendre à qui s’adresse Makaveli ici.
Il fait honneur à la West Coast et au gangsta rap
Si les albums Doggystylede Snoop Dogg et The Chronic de Dr. Dre ont incontestablement posé les premières briques de la G-funk à l’ouest des Etats-Unis, 2Pac a lui aussi eu son rôle à jouer dans le rayonnement de ce style musical de à l’échelle mondiale. Il faut dire qu’en signant chez DeathRow, il a pu s’offrir les services de certains des producteurs G-Funk les plus chauds du moment : Dr. Dre et DatNiggaDaz en tête, mais aussi DJ Pooh, Doug Rasheed et QDIII. Avec tout ce beau monde aux manettes, il était évident qu‘AllEyez on Meallait naturellement sublimer les codes de l’identité sonore de la côte ouest américaine.
Pour donner encore plus de grain westcoast à son œuvre, 2Pac a bien entendu fait appel à quelqu’un des plus grands gangstarappers de sa zone : Snoop Dogg, Kurupt, Dz Dillinger, E-40, Outlawz, Dr. Dre, Dat Nigga Daz et bien d’autres apportent tous leur patte au micro. N’oublions pas non plus le regretté Nate Dogg, dont les refrains chaleureux ont réussi l’exploit de devenir tous aussi marquants que les couplets de TupacShakur. Oui, écouter AllEyez on Me, c’est s’offrir une téléportation directe vers la Californie des nineties. Et rien que pour ça, vous devez (ré)écouter cet album.
Il a propulsé Tupac au sommet des charts
Conséquence directe des qualités intrinsèques de ce double album, il a bien évidemment joui d’un succès critique tonitruent, mais a connu aussi et surtout, un carton commercial.A ce jour, AllEyez on Me est la deuxième meilleure vente d’albums du rappeur aux États-Unis, la première si l’on exclut le fait que le numéro un est son Greatest Hits, une compilation de ses meilleurs sons.
Durant sa première semaine d’exploitation, l’album s’est vendu à 566 000 exemplaires aux US, se classant ainsi 1er du top album Billboard 200 et du classement Top R&B/Hip-Hop Albums. Cela sanscompter que ses deux singles phares, « How Do U WantIt » et « California Love » se sont hissés au sommet du top single Billboard Hot 100. Signe d’un succès stratosphérique, l’album a été certifié 5 × Platine aux Etats-Unis à peine deux mois après sa sortie, 9 × Platine en 1998 et Disque de diamant (10 x Platine) en 2014.Certes les certifications n’avaient pas les mêmes valeurs à l’époque qu’aujourd’hui, mais tout de même !A l’heure d’aujourd’hui, l’album s’est écoulé à plus de 10,6 millions d’exemplaire dans le monde, selon les chiffres de 2022 du site Chart Masters. Telle est la définition même de l’immortalité artistique.
Il est le dernier album sorti de son vivant
En fait, tout le background autour de cet album est légendaire. Déjà, sachez qu’AllEyez onMe est sorti parce que SugeKnight, alors directeur du DeathRow Records, a payé la caution de 1,4 million de dollars destinée à libérer 2Pac de prison. C’est bel et bien en échange de ce service que le rappeur a accepté de signer un contrat l’obligeant à sortir trois albums sur son label. Malheureusement pour lui, il n’en livrera que deux…du moins de son vivant.
Car comme chacun sait, sept mois jour pour jour après la sortie de son double album 2Pac décédera le 13 septembre 1996, quelques jours après avoir été victime d’un drive by à Las Vegas. Rappel des faits : le samedi 7 septembre 1996 à 23 h 14., le rappeur s’arrête à un feu de circulation sur la route de Flamingo, près de l’intersection de KovalLane. C’est alors qu’il est touché par quatre balles de calibre 40 tirées par un Glock. Aussi vaillant fut-il, lui qui deux ans plus tôt avait échappé à la mort après une fusillade dans le hall des studios Quad, ne survivra pas à ses blessures. Pour sûr que cet épisode tragique a participé à forger la légende du rappeur, plaçant bon gré mal gré AllEyez on Me comme une relique inestimable de son héritage musical.